Pour vivre heureux, vivons cachés. Cela pourrait être la devise des grenouilles, crapauds et tortues d'eau.
Les rongeurs côtoient les palmipèdes. Cependant chaque espèce défend un espace de sécurité minimum autour d'elle : les surmulots, craintifs, fuient au moindre bruissement ; le rat musqué plonge en tourbillonnant devant les colverts pour les éloigner ; les canards se tiennent prudemment à une longueur de cou des cygnes, comme le ragondin, et s'écartent de ce dernier.
Les échassiers, poules d'eau et foulques, farouches et solitaires, préfèrent souvent rester dissimulés sous les branches.
En lançant du pain sec à l'eau on est presque certain de les
voir tous s'approcher. A condition de rester patient, immobile et silencieux
on peut alors découvrir le festin des animaux.
Cela ressemble au premier abord à une bruyante foire d'empoigne : les
premiers cris des canards qui préviennent la famille deviennent très
vite un chahut de dispute mêlé aux souffles rauques des cygnes.
En fait, on assiste à une subtile démonstration des hiérarchies
où les tactiques tiennent à la fois de l'offensive et de la diplomatie,
de la prise de risque et de la prudence, de la surprise et de la patience, de
l'adresse et de la fraude.
A ce jeu, le ragondin sort toujours le mieux servi alors que le surmulot, le
foulque et la poule d'eau se contenteront des restes.
Quant au rat musqué, il s'empare de son repas pour aller le mettre en
sécurité.
Aux heures chaudes, c'est le bal des insectes en tenues colorées.
Les libellules en particulier, gracieuses et délicates, chassent à
fleur d'eau.
Une flèche d'un bleu électrique rase la rivière : c'est le martin-pêcheur qui regagne son abri, un poisson dans le bec. Alentour, le cri des mouettes qui se chicanent, le roucoulement de la tourterelle des bois et les sourdes vibrations de son vol, l'écho cadencé du pivert.
La nuit tombée, lapins et hérissons
sortent se nourrir, avant que les chauves-souris ne deviennent maîtres
des lieux.