La philosophie de l'histoire

Le dessin de la cité est celui d'un dessein social.
Emile Menier a lu les écrits de Charles Fourier, Williams Morris, John Ruskin et Etienne Cabet. C'est un républicain radical, ami de Gambetta, qui développe ses idées économiques, sociales et politiquesMenier et la politique dans plusieurs brochures ainsi que dans la presse, fondant le bimensuel la Réforme économique qui devient la Réforme, rachetant le quotidien le Bien public qu'il remplacera par le Voltaire, publiant Zola et apportant son soutien à quelques journaux de tendance socialiste ou marxiste : le Peuple souverain, Droits de l'homme, le Radical, l'Egalité.
S'il est influencé par le modèle des cités ouvrières anglaises, sa cité est le reflet de ses idées: collectivité, fonctionnalité, hygiène, éducation, émancipation.

Carte postale semi-moderne : vue aérienne de la cité Menier avec la maison de retraite en premier plan.L'agencement des maisons en quinconce sur une trame orthogonale est pensé de manière à permettre la circulation de l'air et de la lumière ainsi que l'évacuation des miasmes.

La presse rappelle en 1914 : les logements sont sains et confortables, agréablement exposés à l'air et à la lumière [...] avec un jardin qui permet aux enfants de jouer sans sortir dans les rues [...]; le local hygiénique est bien fermé, bien aéré et desservi par une canalisation spéciale d'assainissement, avec refoulement à plus de deux kilomètres pour utilisation à l'agriculture. [...]
La cité est pourvue de l'éclairage au gaz, de fontaines, de lavoirs, de bains d'eau chaude et d'eau courante, d'une étuve à désinfection.

Les femmes travaillent, il faut donc les libérer d'une partie des taches ménagères et d'éducation en développant des équipements collectifs : la cité contient des réfectoires où l'on peut se ravitailler ou consommer sur place ainsi que des écoles - les enfants y sont reçus gratuitement, tous les frais étant à la charge de monsieur Menier.

Carte postale ancienne : les réfectoires.
Les réfectoires peuvent accueillir 800 personnes,
à l'étage : une salle de cours et une bibliothèque ;
une salle de cinéma sera ajoutée en 1920.
Carte postale ancienne : les écoles.
Les écoles : 6 classes pour 350 enfants
dont une classe de gardiennage pour les tout-petits.

Carte postale ancienne : café-hôtel-restaurant. On peut se rassembler et débattre dans deux débits de boisson au rez-de-chaussée des hôtels. On choisira l'un ou l'autre selon ses opinions, c'est un facteur de calme.

La classe ouvrière logée au plus près du lieu de travail doit aussi pouvoir s'approvisionner sur place : des magasins (épicerie, boucherie, boulangerie, quincaillerie, mercerie et vêtements) et la première ferme industrielle en France, terrain d'expérimentation et d'innovations technologiques, pourvoient aux besoins.
Les prix sont au plus bas et les achats sont réglés au comptant, à crédit ou retenus sur salaire.

Carte postale ancienne : la maison de commerce.
la maison de commerce
livre à domicile le pain, le vin, le charbon, etc.
plusieurs fois par jour
 Carte postale ancienne : la ferme modèle.
la ferme modèle,
construite en 1880, fournit les céréales, les laitages,
les oeufs et une partie de la viande aux magasins

Carte postale ancienne : face à face, le tabac et la poste. Parmi les équipements de la cité, on peut citer encore un abattoir, des écuries, un débit de tabac, un coiffeur, des bains-douches, deux lavoirs, un service médical gratuit comprenant un cabinet de consultation, une chambre d'allaitement et une salle d'opération où officient deux médecins et un pharmacien, un service de nettoyage des rues et d'enlèvement des ordures, une institution de sapeurs-pompiers, une poste, une mairie.

Carte postale ancienne : le bâtiment des Pompes.    Carte postale ancienne : la Mairie.
Carte postale ancienne : le lavoir sur la rive gauche de la Marne et l'usine en arrière plan.
Carte postale ancienne : la maison de retraite.

Enfin, pour hommes et femmes, la retraite est à 60 ans. Les anciens peuvent alors vivre dans la maison de retraite Claire Menier qui est une véritable innovation. [...] Pour une location de 10 centimes par jour, les retraités ont un logis aimable, bien éclairé, doté d'un parfait confort, aux murs ripolinés. Ainsi [...] trouvent-ils près des leurs la continuité de la vie familiale, tout en libérant [...] des logements qu'ils occupaient et qui profitent à des ouvriers en pleine activité.[...]
Noisiel est bien la ruche ouvrière modèle, digne de l'esthétique d'un Ruskin ; c'est une vie quasi patriarcale qui s'écoule sous ses toits gais ; on y respire cette saine et tranquille atmosphère dont il est à souhaiter que les théoriciens du mieux-être puissent animer leurs cités futures.
(extrait du journal Le Temps, juillet 1914)

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